Arrêtons-nous quelques instants pour
considérer la nature des enchères, eu égard à la description des
mains. Deux constatations s'imposent d'emblée à nous. La première a
trait aux limites de ce langage que constituent les enchères. Le lexique
du bridge se compose en effet de 15 mots pouvant former 38 phrases. Les 15
mots sont : 1,2,3,4,5,6,7, Sans Atout (SA), Pique (, P ou Pi), Coeur (, C ou Co), Carreau ( ou K) et Trèfle (,
T ou Tr), Passe, Contre, Surcontre. Les 38 phrases sont formées par une
combinaison de chiffre et de couleur, comme il a été mentionné plus haut,
plus trois phrases formées chacune d'un seul mot : Passe, Contre,
Surcontre.
Or, ce maigre lexique doit décrire une
quantité astronomique de mains. Les personnes qui se souviennent de leurs
mathématiques se souviendront peut-être que le nombre théorique de mains
que peut générer un paquet de cartes s'exprime par la formule suivante :
52!
______
39!.13!
Soit : Factoriel de 52 divisé par le
produit de factoriel de 39 par factoriel de 13. Soit la jolie somme de 635
milliards de mains (plus exactement : 635, 013,559,600).
Le problème saute aux yeux. Comment, avec
une langue composée de 15 mots et de 38 phrases, exprimer efficacement ces
milliards de mains ?! Un premier élément de réponse réside dans la
tendance à la moyenne. Les distributions marginales sont
relativement rares. Par exemple, une main tricolore (soit (4441) ou (5440)
) se rencontre à une fréquence inférieure à 5%; les mains sans singleton
constituent un peu plus de la moitié des mains. Deuxième élément de
réponse : il faudra faire flèche de tout bois, c'est-à-dire, entre autres,
utiliser la séquence elle-même comme paramètre de signification.
C'est-à -dire que la phrase employée par le joueur s'articule dans un
paragraphe bâti par les quatre joueurs autour de la table. Le moment où¹
telle des 38 phrases est placée constituera un aspect essentiel de la
signification qu'on veut véhiculer au partenaire. En somme, l'intelligence
doit compenser pour l'imperfection de l'instrument.
Il reste intéressant d'examiner le nombre de séquences d'enchères. la
formule mathématique qui l'établit est de même type que celle utilisée
plus haut pour le nombre de mains. Mais tenez-vous bien ! Ce nombre est de
1,270736289139524 47, c'est-à-dire 1,2707... multiplié par 10
exposant 47. Pour les lecteurs moins férus ès mathématiques, c'est environ
635 milliards (approximatif des distributions possibles, que nous venons
de considérer) à la quatrième puissance. Soit 635 milliards multiplié
quatre fois de suite par lui-mme. Pour les amateurs de formules, voici le
cheminement du calcul. Il tient compte de la distinction entre les
"quantitatifs" (les 35 phrases obtenues par le produit d'un nombre de 1
à 7 et les cinq dominations, SA, pique,
coeur, carreau, trèfle) et les "qualitatifs" (les trois phrases
uni-nominales : passe, contre, surcontre; soit P, X, XX).
Dans un premier temps (plus bas, le "1)"), évaluons la quantité de
séquences sans les qualitatifs. Nous arrivons au nombre impressionnant de
34 359 738 367. Soit plus de 34 milliards. Dans un deuxième temps,
apportons un élément de correction par l'ajout des qualitatifs
intermédiaires, soit ceux qui se situent entre des quantitatifs ("2)").
Nous obtenons 4,59845. Troisième étape : ajoutons les
qualitatifs initiaux (soit P P P P, i.e., les quatre passes consécutifs,
plus les trois autres combinaisons : P, PP, PPP). Comme on le voit, cela
ajoute environ quatre fois plus de possibilités par rapport à la
deuxième étape : 1,83946 versus 4,59845. La
quatrième étape tient compte des qualitatifs finals (sauf pour 7SA) :
1,287...E47. Enfin, cinquième étape, on intègre les qualitatifs finals de
7SA : 1,270747.
Les matheux établiront donc le nombre d'enchères possibles comme suit :