CHAPITRE 8 L'ÉVALUATION DE LA MAIN

 

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MODE SIMPLIFIÉ : Si vous trouvez trop ardue l'information fournie sur cette page, vous pouvez vous contenter de l'essentiel en cliquant ici pour accéder au mode simplifié de l'évaluation de la main. Il faudrait cependant revenir à la deuxième partie de ce chapitre, laquelle énonce 12 principes devant nous guider dans les enchères.

 

Ce huitième chapitre comporte deux volets. D'une part, il porte sur l'évaluation de la main en soi ; d'autre part, il considère des principes de séquences d'enchères appuyées d'exemples appropriés.

 

1. L'ÉVALUATION EN SOI

Essentiellement, le schéma mental précédant l'enchère est constitué de deux temps :

 - Premier temps : Création d'une grille par laquelle j'inscris sur un même chiffrier les divers éléments qui détermineront la valeur de ma main. Il s'agit essentiellement d'une uniformisation mathématique.

- Deuxième temps : Détermination d'une enchère adéquate en fonction du résultat de cette uniformisation. Cela sera traité in extenso dans un chapitre ultérieur.Cependant, il m'apparaît pertinent de donner en deuxième partie de ce chapitre quelques principes de séquences d'enchères. Ce volet fait l'objet de plusieurs questions par les débutants.

 

Premier temps : la grille d'analyse

 Cette grille comprend sept paramètres.

Quatre de ces paramètres sont fondamentaux ; trois sont complémentaires

Les paramètres fondamentaux sont les suivants :

            les points d'honneur

            la distribution

            la répartition

            la situation



Voici les trois paramètres complémentaires :

             perdantes et couvrantes

             la règle de 20

             La loi des levées totales (mais...)

  

LES POINTS D'HONNEUR : C'est très simple. 4-3-2-1, pour As-Roi-Dame-Valet. L'as vaut 4 points, le roi vaut 3 points, la dame vaut 2 points et le valet vaut 1 point. Comme il y a quarante points dans le paquet, 10 par couleur, votre main, une de quatre, contient statistiquement 10 points. En fait, de savantes études par ordinateur ont établi les valeurs suivantes, à quelques poussières près : l'as = 4,2; le roi = 3,1; la dame = 1,9; le valet = 0,8. Il faut aussi considérer les cartes intermédiaires : les 10,9,8. R10963 vaut plus que R5432.

Cela dit, j'introduis ici trois précisions, chacune faite par trois experts diférents : Kleinman, Woolsey, Bergen. Les nuances qu'ils apportent m'apparaissent nécessaires à une compréhension plus efficace des enchères. La raison en est double. D'une part, le principe passe-partout employé depuis au moins un demi-siècle, s'est avéré quelque peu inexact. Soit : des valeurs de 4,3,2,1 respectivement pour as, roi, dame, valet. D'ailleurs, lorsque, âgé d'environ 10 ans, j'ai appris à jouer au bridge chez mes parents, le système encore en vigueur chez plusieurs bridgeurs était celui de Colbertson. Celui-ci comptait 1 point pour 1as et 1/2 point pour un roi. C'est-à-dire que les dames et valets ne constituaient une valeur que collés à un autre honneur. Comme quoi Colbertson avait, pour l'essentiel, compris l'importance de la répartition. . Le système 4-3-2-1, sans référence explicite à la répartition, a donc un peu surévalué dames et valets. Voilà la première raison pour apporter les précisions des trois experts nommés plus haut.

 

La deuxième raison pour la référence aux dits experts se rapporte effectivement aux deux paramètres principaux suivants, soit la distribution et la répartition. Ils prennent pour acquis, je crois, le quatrième paramètre principal, soit la situation. Mais celui-ci n'est pas évident pour les débutants. D'où ma justification pour le décrire. Notons, cependant, l'ordre quelque peu altéré dans la présentation des trois premiers paramètres principaux. Mais je ne pouvais segmenter les commentaires forcément plus englobants de ces experts. Si bien qu'on retrouvera des analyses relativement semblables reprises à l'occasion de mes commentaires sur la distribution et la répartition.

 

J'ai pris les précisions suivantes sur internet en décembre 2001. Un nommé Kleinman commence par rappeler la théorie d'un certain Bennion (article paru dans Bridge World, sept. 2001). Celui-ci dit en substance ce qui se trouve à la fin du dernier paragraphe : les as et les rois valent plus que 4 points et 3 points respectivement. Bennion propose : as = 6 1/2 ; roi = 4 1/2 ; dame = 2 1/2 ; valet=1. Bennion spécifie cependant qu'il convient de s'ajouter 1/2 point pour deux honneurs dans une même couleur (ils se renforcent), sauf pour la combinaison DV. Donc, Kleinman rappelle ces énoncés de Bennion ; il estime cependant que Bennion aurait pu être encore plus précis, car il juge que Bennion vise essentiellement les seules mains carrées. Kleinman propose le système suivant d'évaluation des honneurs, système qu'il affirme très près des résultats de Edgar Caplan sur le sujet (tels que Kaplan les a exposés dans Bridge World oct. 81). Soit : A=13 ; R=9 ; D=5 ; V=2.


Ajoutez-vous, continue Kleinman, un point pour tout RDV accompagné d'un as ou d'un roi. De même, ajoutez-vous un point pour un 10 accompagné d'un 9 ou d'un honneur. Par contre, il faut s'enlever un point pour toute couleur dont la plus basse carte est plus haute que le 10. Enlevez-vous également un point pour un honneur non protégé, soit R, Dx, Vxx. Enfin, enlevez-vous deux points pour une distribution (4333). Après cela arrive la dernière étape pour produire les "points de Kleinman" : divisez ce résultat par 3. Essentiellement, donc, Kleinman tente, avec succès à mon avis, de chiffrer à la fois la valeur réelle des honneurs et la répartition de la main (voir plus bas le concept de répartition).

Soit le tableau suivant :

Évaluation des honneurs et de la répartition selon Kleinman

As

13

Roi

9

Dame

5

Valet

2

RDV accompagné d'un as ou roi

1

10 accompagné d'un 9 ou d'un honneur

1

Couleur où les cartes sont plus hautes que le 10

-1

Honneur non protégé (R, Dx, Vxx)

-1

Main (4333)

-2

 

Divisez cette somme par 3

 

Kit Woolsey, dans le Bridge World de juin 2005, pp.48-49, part de la même préoccupation que Kleinman : il veut aussi corriger l'imprécision du 4-3-2-1. Sa solution m'apparaît plus simple. Il conserve en effet un total de 40 points, mais avec les nuances suivantes. Il ajoute un demi-point à l'as et enlève un quart de point chacun à la dame et au valet. Soit 4,5 + 3 + 1,75 + 0,75 = 10. En pratique, l'esprit humain s'accomode mieux de 1/2 et 1/4 que .75 et .50. Woolsey remarque avec humour : "vous n'avez même pas besoin d'en avertir votre partenaire" - bien que ce soit à l'avantage de la paire que vous le fassiez. Car, alors, la qualité des enchères sera améliorée chez les deux joueurs, pas seulement chez vous !

Les Bergen Points

Dans le Bulletin de L'ACBL de janvier 2010, Marty Bergen explique sa conception de la réévaluation à la fois de l'ouvreur, du mort et de l'ouvreur une fois devant le fit. Effectivement, Bergen va dans la même ligne que Kleinman et Woolsey. à savoir que la dame et le valet sont surévalués et l'as ainsi que le 10 sont sous-évalués. De même, il signale le caractère moche de certains doubletons : RD, RV, DV, Rx, Dx, Vx et des singletons R,D,V. Il attire également l'attention sur les longues quatrièmes et cinquièmes. Mais Bergen, on le lira plus bas, ajoute des précisions assez pointues sur le nombre de points à accorder à chacun de ces éléments. Son calibrage constitue à mon sens un attrait spécifique pour son exposé.

Évaluation de la main avant le début des enchères

 

étape 1

 

1. Comptez vos points d'honneurs

 

2.  Soustrayez vos points sous-évalués (as et dix) des points surévalués (D et V). Si la variation est de 2 ou moins, laissez faire. Si la variation est positive de 3 à 5 points pour as et dix, ajoutez un point  ; enlevez un point  si le différentiel est en faveur de D et V.

 

 

étape 2

 

1. Enlevez-vous  1 point pour les combinaisons moches : RD,RD,RV, Dx, Vx, D, V


2. Ajoutez-vous 1 point pour une couleur quatrième contenant 3 de ARDVd


3. Ajoutez-vous 1 point pour une couleur 5', 2 pour une 6', etc.

 

 

 

 

Exemple 1 :  AD2   ADd5   Rd97   A7

 

Soit : 19 points d'honneurs ; avec 5 plus (3 as et 2 dix) et deux moins (2 dames). Soit 5-2=3 : ajoutez-vous 1 point. La main vaut donc maintenant 20 points. Pas d'honneurs doubletons moches, une couleur quatrième avec 3 des 5 tops. Ajoutez un autre point. Donc, avant les enchères, la main vaut 21 points.  Ouvrez 2SA.

 

Exemple 2 :  RDV   RD75   AV76   RV

Soit : 20 points d'honneurs ; une plus-value (1 as) et 5 moins-value (3 valets et 2 dames). Vous vous enlevez 1 point. La main vaut maintenant 19 points. Vous vous enlevez 1 autre point pour le doubleton RV moche à trèfle. Soit une main qui vaut 18 points. N'ouvrez pas 2SA mais 1K.

 

Exemple 3 : DV65   R   V752 AV73

 

Soit : 12 points d'honneurs ; une plus value (1 as) et 4 moins-value (3 valets et une dame). Enlevez-vous 1 point. La main vaut maintenant 11 points. Enlevez-vous 1 point de plus pour l'honneur moche (R singleton). La main vaut maintenant 10 points. N'ouvrez pas.

 

Exemple 4 : AVd96   3   Ad96   A92

 

Soit : 13 points d'honneurs ; 5 plus-value (3 as et 2 dix) et une moins-value (1 valet). Ajoutez-vous 1 point. La main vaut maintenant 14 points. Ajoutez-vous 1 point pour la qualité des piques et 1 point pour la couleur 5'. La main vaut maintenant 14+1+1 =16 points.

 

Exemple 5 :  74   ARd8   ARd943   6

 

Soit : 14 points d'honneurs.; 4 plus-value (2 as et 2 dix) et aucune moins-value. Vous vous ajoutez 1 point. Ajoutez-vous 2 points pour chacune des belles couleurs. Soit une main valant 19 points.  Vous inverserez à 2Co après votre ouverture à 1K.

 

 

Évaluation des courtes du mort

 

Il s'agit ici d'un accord sur l'atout.

Doubletons : 1 points chacun ; singletons : 2 points chacun, mais 3 points si le mort a 4 atouts. Absences : 4 points par absence. Si vous avez 5 atouts, comptez votre absence pour 5 points.

 

Exemple 1 :  RD  AD64  DV4   RD76 (enchères : 1Tr - P - 1Co - P  - ??)

 

Soit : 19 points d'honneurs ;  Enlevez 1 point (1 as mais 4 dames et 1 valet) ; enlevez 1 points pour le doubleton moche RD. Pour cette courte, ajoutez-vous un point. Soit une main de 18 points. Gagez en conséquence selon votre système. Entendu que les enchères normales montreraient 18-19 points, mais c'est à la limite du 18. Ne pas croire qu'on a 19 points.

 

Exemple 2 : 2   Ad61   973   ARV98

 

Soit : 12 points d'honneurs : ajoutez-vous 1 point pour la couleur de qualité. Ajoutez-vous 1 autre point parce que vos trèfles sont 5' avec 3 des 5 tops. Ajoutez-vous 3 points pour le singleton dans une main de 4 atouts. Soit un 12 points d'origine qui vaut maintenant 17 points.

 

 

évaluation lorsque votre partenaire appuie votre couleur

 

1. Commencez par vos points d'honneurs

 

2  Ajoutez 2 points pour un singleton, 4 points pour une absence et 1 point pour deux ou
    trois doubletons.

3. Ajoutez-vous 1 points pour 6 cartes d'atout, 2 points pour 6 cartes, etc.

4. Ajoutez-vous 1 point pour chaque couleur secondaire de 4 ou 5 cartes.

 

 

Exemple 1 : Ad   AR7652   3   AVd9

 

Soit : 16 points d'honneurs ; ajoutez-vous 1 point (5 plus-value, soit 3 as et 2 10, et une moins-value, soit 1 valet). Ajoutez-vous un point pour les beaux trèfles. Ajoutez-vous 2 points pour la couleur 6'. Soit 16+1+12+2=20 points avant les enchères.  Mais, sur votre partenaire, sur votre ouverture à 1Co, montre un limite avec fit. Ajoutez vous maintenant des "points de fit" : ajoutez-vous 2 points pour le singleton. Donnez-vous 1 point de plus pour la couleur d'atout. Enfin, ajoutez-vous 1 point pour la couleur quatrième à Tr. Soit une main de 16 points d'honneurs qui vaut maintenant 24 points. Allez au chelem.

 

Exemple 2 : RD   ARV64   R763   DV

 

Soit : 19 points d'honneurs.  Déduisez un point (une plus-value et 4 moins-value). Enlevez-vous 2 points pour les deux doubletons moches. Ajoutez-vous 1 point pour la couleur 5'. Soit un 19 points qui vaut maintenant 17 points. Avec le fit, ajoutez-vous maintenant 1 point pour les deux doubletons et un point pour les 4 carreaux. Soit 17+1+1 =19. Votre main ne devrait pas espérer le chelem. Demandez 4Co.

 

 

 

LA DISTRIBUTION : Il n'est pas nécessaire de réfléchir trois heures pour saisir que plus la main est distributionnelle, i.e., faite de couleurs longues et de couleurs courtes, plus elle recèle de puissance. A la limite, si j'ai 13 cartes d'une même couleur, je n'ai que 10 points d'honneurs, mais ma main vaut en pratique autant que les 40 points du paquet réunis, en ce sens que j'annoncerai 7 de la dite couleur et ferai 13 levées. La façon traditionnelle de tenir compte de la distribution consiste à ajouter un point par doubleton, 2 points par singleton et 3 points par absence. Toutefois, la méthode de Kantar, prônée aussi par Marshall Miles, Hugh Kelsey, et, en substance, par tous les grands noms de l'enseignement du bridge, s'avère plus juste, à la fois parce qu'elle colle à une meilleure conception des facteurs importants d'une main, et parce qu'elle est légèrement plus précise. Elle consiste à ajouter un point par couleur de 5 cartes, deux points par couleur de 6, trois points par couleur de 7, etc. A l'autre extrême, il y a la main carrée : 4333. Plusieurs experts recommandent de lui enlever un point à cause de son "anti-distributionnalité".

Cette recommandation m'apparaît valable. Notons enfin qu'en réponse avec fit (il y a fit quand votre partenaire et vous avez ensemble huit cartes dans une couleur donnée), on ajoute aux points de distribution par les longues des points de distribution pour les courtes. En somme, il y a deux types de distribution : la distribution positive, par les longues, et la distribution négative, par les courtes. On compte toujours la distribution positive, en ce sens que j'ai lié une valeur objective dans cette couleur, puisque les basses cartes en seront toujours protégées par les hautes, ou même par le nombre de tours joués dans cette couleur (les basses cartes finiront par s'affranchir, ou par forcer une coupe chez l'adversaire si le contrat est en atout), alors que la distribution négative ne possède qu'une valeur conditionnelle.

 En effet, elle ne vaut que si je suis en état de couper, ce qui implique un fit avec mon partenaire. Il faut donc que je sois assuré de ce fit avant d'en tenir compte. Si bien qu'au départ, en regardant ma main sans avoir encore entendu une seule enchère de la part de mon partenaire, je ne puis tenir compte de la distribution négative. Plus précisément, je ne m'accorderai pas les mèmes points de distribution négative selon que je suis déclarant ou répondant, et dans ce dernier cas, selon que j'ai un fit ordinaire ou très bon. Soit le tableau suivant :

  

 

DÉCLARANT

RÉPONDANT

fit

fit

fit+

DOUBLETON

1

1

1

SINGLETON

2

2

3

ABSENCE

3

4

5

 

Comment se fait-il que la courte du déclarant vaille moins que celle du répondant ? Plus encore, sur quoi justifier ces chiffres : La réponse est à la fois désarmante et solide : sur l'expérience. Par tétonnements, par essais et erreurs, on s'est rendu compte qu'un singleton, toujours en cas de fit, valait un point, un doubleton deux points ou un peu plus, et une absence, entre 3 et 5 points, selon la texture des mains. On en est donc arrivé, au fil des années, aux chiffres du tableau ci-haut. Pour ce qui est de la majoration de la main du répondant, c'est peut-être une affaire de convenance. Le déclarant a déjé annoncé une main d'ouverture, une main objectivement forte, la main du répondant prendra son sens par rapport à cette main, i.e., sa distributionnalité prend une place plus importante : cette main constitue-t-elle un complément intéressant ou non pour la main déclarante ? En somme, c'est à cause de la nature complémentaire de la main répondante que l'importance de la distribution y est légèrement majorée. On notera cependant qu'on ne compte pas un doubleton dans la main s'il est unique; cela fait partie d'une distribution normale.

 

LA RÉPARTITION : Supposons la main suivante : AVxxx RDxx Rxx x . En quoi diffère-t-elle de celle-ci : AVxxx RDxx xxx R ? Même nombre de points d'honneur, même distribution... La différence réside dans la façon dont un des rois est réparti. Dans la première, le R est protégé. Si les adversaires jouent l'A, cette main jouera petit, valorisant ainsi son roi. Par contre, dans la deuxième main, l'A efface d'un coup le roi sec. Trois points de balayés d'un coup. Si bien que lorsque R,D, ou V sont singletons ( ou, dans une mesure moindre, lorsque la dame, et encore plus le valet, sont doubletons avec une petite carte), il est opportun de déduire un point à cause de cette faiblesse de répartition. Dans une telle situation, on n'ajoute pas en plus les points de distribution !

Dans le même sens, on enlève un point à une main sans as : il n'y a pas de premier arrêt, rien n'est tout à fait à l'abri, en tout cas pas au premier tour. C'est un état diffus de faiblesse répartitive. Symétriquement, une main qui a quatre as se voit valorisée d'un point.

Le concept de répartition va plus loin. Considérons ensemble ces quatre mains à même distribution dans chaque couleur, et contenant chacune les mêmes points d'honneur : deux as et deux rois, soit 14 points  d'honneurs :

 

 MAIN A

ARxxx
ARxxx
xx
x

MAIN B

ARxxx
Axxxx
Rx
x

MAIN C

ARxxx
xxxxx
AR
x

MAIN D

Rxxxx
xxxxx
AR
A

 

Je tire ces quatre exemples d'une parution du Bulletin de l'ACBL vers les années 1985. Je ne retrouve plus la référence précise. Si un lecteur la trouvait, je lui saurais gré de me la refiler.

Disons que votre partenaire a une main normale : (4333) avec quatre dames. Tel que précisé plus haut, on emploie la parenthèse pour englober une distribution afin d'indiquer que le rang du chiffre ne correspond pas nécessairement au rang de la couleur : 4333 signifierait spécifiquement quatre , et trois cartes dans les trois autres couleurs, alors que (4333) signifie une couleur quatrième indéterminée et trois cartes dans les trois autres couleurs. De même, 43(42) signifierait qu'on tient quatre , trois  et 4-2 dans les mineures.

Avec la main A, vous avez environ 50% des chances de réussir 4. Avec la main B, les chances de réussir la manche à  sont réduites à environ 30%. Avec la main C, la manche sera réussie dans approximativement 12% des donnes identiques (et peut-être moins! Car si AR sont devant D, les adversaires auront probablement une coupe à ). Quant à la main D, elle ne vous procure que quelque 6% des chances de faire 4 ; même le succès d'un contrat de 2  n'est pas assuré.

Et pourtant, non seulement a-t-on la même distribution par couleur et exactement deux as et deux rois sans autre point franc, mais encore aucun roi n'est mal réparti au sens strict où nous l'avons défini. Retenons donc qu'il y a une répartition positive : les honneurs ont plus de valeur dans les longues que dans les courtes. Comme vous avez quelque peu dévalué une main mal répartie, il vous faut majorer une main bien répartie. Plus globalement, cela vaut pour les 26 cartes du partnership : il s'avère plus valable de détenir des honneurs intermédiaires (D,V)dans les longues du partenaire que dans ses courtes, et des as et rois (dans une moindre mesure les rois) dans ses courtes. Voici quelques exemples.

Votre partenaire ouvre d'1SA (disons que cette main montre un 15-18 balancé). Que répondez-vous avec

1. xx xx xxx ARV10xx

2. Ax Rx Vxx 10xxxxx

 

Avec la main 1., demandez sans hésiter 3SA, car même devant un minimum (15), vos 23 points valent les 25 points normalement requis pour la manche en SA (vos trèfles produiront vraisemblablement six levées); avec la main 2., invitez à la manche en annonçant 2SA (c'est là la manière standard d'inviter; nous verrons qu'il y a d'autres façons de le faire).

Autre exemple. Si votre partenaire ouvre d'1, vous ne répondrez pas de la même manière avec

Rxx xxx Axx xxxx qu'avec xxx Rxx Axx xxxx, cette dernière main étant moins puissante que la première. Car le roi d'atout constitue une valeur sûre, il est appuyé par les 5  du partenaire. Raffinons: devant l'ouverture d'1, Rxx Axx xxx xxxx donne un meilleur rendement que Axx Rxx xxx xxxx : le R ne constitue pas une valeur sûre. D'où le principe : IL EST PRÉFÉRABLE D'AVOIR A ET R (ET SURTOUT A) EN DEHORS DE LA COULEUR DU PARTENAIRE, ET LES DV DANS SA(SES) COULEUR(S) LORSQUE LE CONTRAT NOUS APPARTIENT.

Encore ceci :                                                  

Partenaire

Vous

1
2

1SA
?

                                                                                                  

Vous avez:      1. x xxxx Axxx Dxxx

                      2. x xxxx Dxxx Axxx

La main 1. est faible. Passez 2, votre partenaire a montré au moins 9 cartes en  et . Tout indique que la D ne vaut rien. Par contre, dans la main 2, la D est opérationnelle, puisque votre partenaire y a montré une certaine force : demandez 3.

Voyez cet autre exemple :

 Partenaire

Vous

1
3
4

2SA
3SA
?

 

            main 1 : Ax RD10x Rxx R109x

            main 2 : Rx AV10x DVx A109x

 

Avec la main 2, demandez le chelem en toute confiance : votre partenaire a montré six  et quatre , vous prenez soin automatiquement de deux des trois perdantes possibles dans les deux autres couleurs, et votre R est une valeur sûre.

 Un aspect corollaire de la répartition consiste dans la concentration des honneurs : ARx xxx vaut mieux que Axx Rxx. C'est comme si j'avais deux as dans cette couleur, donc deux levées séres, alors que dans l'autre cas, je n'ai qu'une levée et demie.

 De même, xxx xxx AR10x RDx est mieux que Rxx Dxx Axxx R10x. On peut penser ouvrir avec la première main alors qu'il faut absolument passer d'ouverture avec la seconde. De même, vous ouvrez 1SA avec Dxx Rxx AVx ARxx ou avec ADx RVx xxx ARxx. Votre partenaire vous invite à la manche en annonàant 2SA. Passez l'invitation avec la première main, et acceptez la manche avec la seconde.

Autre exemple :           

Partenaire

Vous

1
3

2
?

 

Vous tenez        l. Rxxx xxx RVx xxx

                        2. Rxxx xxx xxx RVx

 

Bien que vous ayez un minimum dans les deux cas, n'hésitez pas à demander 4 avec la main 1. Vos honneurs à sont parfaitement complémentaires de ceux de votre vis-à-vis, ils sont tous opérationnels. Par contre, la main 2, dans les circonstances présentes, s'avère misérable. Fermez les enchères à 3 au plus vite.

Appliquons ces notions touchant la répartition aux enchères compétitives, i.e., celles où les deux paires annoncent :

1. Si la couleur n'appartient encore à personne, DV sont offensifs, AR défensifs (défensif : leur laisser le contrat; offensif : il est préférable d'annoncer plus fort qu'eux).

2. Plus vos honneurs sont dans vos couleurs, plus votre main est offensive, et vice-versa.

3. Quand certains de vos honneurs sont dans vos couleurs et d'autres dans leurs couleurs, votre main est offensive dans la mesure où vos DV sont dans vos couleurs et AR dans leurs couleurs; votre main est défensive dans la mesure où vos DV sont dans leurs couleurs et vos AR dans vos couleurs.

4. C'est le partenaire qui est long dans l'atout ennemi qui doit décider si votre partnership doit étre offensif ou défensif; inversement, si vous êtes court dans l'atout ennemi, laissez votre partenaire décider de la meilleure action (passer, contrer ou annoncer votre couleur). C'est lui qui peut évaluer la force de ses atouts.

Un exemple plus récent, survenu le 22 mars 2004 au club de Gaétan Thibault, Place Renaud à Laval. Vous montrez à votre partenaire une main carrée de 16-17 points. Vous avez ouvert 1 puis, sur une réponse de 1, vous demandez maintenant 1SA, qui indique 16-17 balancé (votre ouverture a 1SA étant 12-15). Sa main : DVxx   ADVx   xx   ADx.  Disons que dans le système une deuxième réponse de 4SA est quantitative (elle demande de passer avec un minimum et d'aller à 6SA avec un maximum). Que faites-vous ? La question est simple : ou bien votre deuxième réponse constituera une invitation au chelem par 4SA, ou bien vous sauterez directement à 6SA.En d'autres mots, que vaut ce 16 points ? IL EST EXCELLENT, puisque sa répartition est de première classe. TOUS LES HONNEURS INTERMÉDIAIRES SONT PROTÉGÉS. Il n'y a aucune hésitation, il doit demander 6SA, point à la ligne. Comparez maintenant cette très belle répartition avec celle-ci, égale en points d'honneurs et en distribution. :

Vxxx   ADVx   Dx   ADx.   On pourrait même hésiter à inviter au chelem avec une main aussi poreuse, eu égard à ses 16 points.

Enfin, un aspect différent. Il s'agit de la texture de la main. Les cartes intermédiaires font quelquefois une différence déterminante. J'ai joué la main suivante avec Éric Auger le 3 avril 2006 chez Gaétan Thibault. Je jouais Sud et Éric était en Nord. Nous jouons 2/1 impératif de manche. Éric ouvre les enchères :

 

AR732

1

2


AR842

2Co

4

4

4SA

5 : 2 cartes clés avec la dame

Dd

6

 

 

 

 

DV4

 

 

6

 

 

A9732

 

 

A5432

 

 

 

Nous chutons de 1. Éric, en entendant mon enchère de 2, se dit avec raison que ses DdTr prennent de la valeur. Quand je lui annonce 5, il sait que j'ai les deux as manquants et la dame de pique. Il conclut à un chelem raisonnable. Voyez-vous le problème ?  La TEXTURE ! Mon enchère de 2 n'est pas adéquate. Elle constitue donc une mauvaise information à mon partenaire. Si j'avais Ad987, ce serait déjà mieux. Mais avec As vide cinquième, ma meilleure première réponse devrait être 1SA impératif, suivi d'une deuxième réponse de 4. En d'autres mots, je n'ai pas respecté la texture de ma main. L'écrivain de bridge Henk Willemsens (voir la bibliographie) a justement écrit un livre dont le titre, parfaitement fidèle au sujet qu'il traite, est It's all in the small. Ce sont les petites choses, les nuances significatives, qui font souvent la différence entre la réalisation du contrat et sa chute. La texture de la main n'est pas un facteur négligeable.

 

LA SITUATION : Quatrième paramètre. Supposons que j'aie RVxx à  et que mon adversaire de droite ouvre d'1. Ma main prend de la valeur, car je suis situé après lui : s'il joue son as de , mon roi s'en trouve valorisé; si, par contre, c'est mon adversaire de gauche qui ouvre d'1, mon sourire disparaît : il chipera mon roi avec son as, et mon valet avec sa dame. La valeur de ma main dépend donc de ma situation à la table par rapport à l'enchère adversaire d'une de mes couleurs. Ce paramètre ne s'applique donc qu'une fois les enchères amorcées.

Voilà les quatre paramètres fondamentaux d'évaluation de la main. Traitons maintenant des paramètres complémentaires.

 

PARAMÈTRES COMPLÉMENTAIRES

 

Perdantes et couvrantes :  Le premier paramètre complémentaire constitue un critère-parapluie qui couvre l'ensemble des cas sous un autre éclairage et complète l'évaluation. Qu'est-ce à dire ? Le nombre de perdantes se définit par le nombre d'honneurs majeurs (A,R,D) qu'il me manque par main. Entendu cependant que Dxx représente trois perdantes (on peut aussi dire deux perdantes et demie), et non deux, si je n'ai pas d'as dans une autre couleur que l'atout. De même, ARV10 ne contient pas de perdante. Par exemple, Axx ADxx Rxx xxx représente huit perdantes, alors que ADx ARV10 xxx xxx représente sept perdantes. Selon ce schème, les mains d'ouverture se divisent de la façon suivante :

- Ouverture minimale :.........6 ou 7 perdantes

- Ouverture intermédiaire :....4 ou 5 perdantes

- Ouverture maximale (et forcing) : trois perdantes (pratiquement FM  forcing de manche)

Si bien que la main citée plus haut (Axx ADxx Rxx xxx), malgré ses 13 points, ne représente qu'une ouverture douteuse puisqu'elle comporte 8 perdantes. Il va de soi que ce mode d'évaluation appelle celui de couvrante. Si mon partenaire a tant de perdantes, je peux évaluer ma main en me demandant combien je couvre de ses perdantes. On comprendra enfin que je ne peux appliquer ce paramètre dans le cas d'un misfit. Par exemple, ADxxx x ARxxx xx devant un partenaire tenant xx ARxxx x ADxxx . Soit 5 perdantes dans chaque main. Ou, comptabilisé en termes complémentaires : 5 perdantes devant quatre couvrantes. Douze levées...?! En réalité, il est difficile de concevoir une manche avec ces cartes !

la RÈGLE DE 20. Ce deuxième paramètre complémentaire a été créé par Marty Bergen, expert du bridge bien connu. Dans le doute, additionnez vos points et vos deux plus longues couleurs. Si le total fait 20 ou plus, ouvrez. Évidemment, il faut tenir compte de la répartition. Si vous avez une dame singleton ou doubleton, et des honneurs intermédiaires mal répartis, votre main perd de la valeur. De même, une main sans 10 ni 9 est un peu plus faible.

Cependant, Mel Colchamiro propose un complément tout à fait valable à la règle de 20. Il faudrait plutôt, précise Colchamiro, parler de la règle de 22. Nous devons posséder deux levées rapides (deux as ou AR dans la même couleur). Et Colchamiro donne plusieurs exemples pour prouver que la règle de 20, sans cet ajout, est périlleuse.



La LOI DES LEVÉES TOTALES

La loi des levées totales, troisième paramètre complémentaire, est-elle valable ?

Vers les années 1955, Jean-René Vernes découvre la loi des levées totales. Elle se formule comme suit : Si les deux mains combinées jouaient alternativement leur fit respectif, les levées totales obtenues par le jeu des deux contrats successivement équivalent à l'addition du nombre d'atouts des deux fits.

Par exemple, votre partenaire et vous avez chacun quatre piques, et vos adversaires à cette donne ont un fit 5-4 à coeur. Soit 8 cartes de pique plus 9 cartes de coeur, pour un total de 17 atouts, produiront 8+9 levées si les deux contrats à pique puis à coeur étaient joués successivement. évidemment, les deux contrats ne sont pas joués successivement dans une vraie partie, mais Vernes veut nous faire comprendre la loi des levées totales.

à partir de 1958, il publie des articles sur le sujet. Ce n'est qu'en 1966 qu'il fait paraitre un livre intégrant la théorie des levées totales à un système dans Bridge moderne de la défense. Mais c'est surtout le professionnel américain Larry Cohen qui donne à cette loi une immense notoriété en écrivant deux livres sur le sujet : To Bid or Not to Bid The Law of Total Tricks (1992] et Following the Law (1994).

Voici un exemple du deuxième livre de Cohen en page 17 :

 

 

           Dd52
           AD3
           A3
           d972

 

           76
           8642
           RDd8
           RD3

 

           83
           R75
           V654
           AV64

 

           ARV94
           Vd9
           972
           85

 


Nord-Sud ont 9 piques et Est-Ouest ont 8 carreaux, pour un total de 17 atouts. Nord-Sud peuvent encaisser 9 levées (ils perdent un coeur, un carreau et deux trèfles). Est-Ouest peuvent prendre 8 levées (perdant deux piques, deux coeurs et l'as de carreau). Si on jouait les mains successivement, Le total des levées serait également de 17. On pourrait arguer, explique Cohen, que tout cela fonctionne parce que l'impasse à coeur est perdante. Alors, plaçons le roi de coeur en Ouest, et on arrive au même résultat. Soit :


 

           Dd52
           AD3
           A3
           d972

 

           76
           R642
           RDd8
           RD3

 

           83
           875
           V654
           AV64

 

           ARV94
           Vd9
           972
           85

 

 

Maintenant que l'impasse à coeur fonctionne, Nord-Sud peuvent cette fois réaliser 10 levées. Mais justement, Est-Ouest en font une de moins. Soit 10 +7 = 17. Le nombre de levées totales est encore égal au nombre d'atouts totaux.

L'inférence est importante pour le système d'enchères. Puisque le nombre d'atouts s'avère si déterminant, il faut donc équiper son système d'enchères pour lui permettre de révéler le nombre d'atouts du fit ! Ainsi est née la convention créée par Marty Bergen, un des partenaires de Cohen, et suivie religieusement par des dizaines de milliers de bridgeurs : sur l'ouverture de 1 en majeure du partenaire, une réponse artificielle de 3 montre un fit de 4 atouts et 8-9 points (variante : de 6 à 9 points) ; une réponse, également artificielle, de 3 montrerait le même fit de 4 atouts mais de 10 à 11 points Il suit que le saut dans la majeure est faible. Soit, pour être complet, en prenant l'exemple du fit à pique après une ouverture à 1 de votre partenaire (et en supposant que vous jouez 2/1), les réponses montrant un fit seraient :


1SA

2

1SA
puis 3

3

3

3

(s'il y a fit, 4-7 points et 3 atouts)

8-9 points ("constructif") et 3 atouts

10-11 points et 3 atouts

Faible avec 4 ou 5 atouts

8-9 points et 4 atouts

10-11 points et 4 atouts



On voit par là la richesse des inférences d'une telle loi pour préciser la qualité du fit en points et en nombre d'atouts. Plus précisément, les joueurs de la région de Montréal (et j'ai vu cette pratique chez bons nombres de joueurs américains aussi) inversent la signification de 3 et 3. Cela procure un avantage théorique minime mais réel. La main limite recèle une possibilité plus forte de chelem que la main de 8-9 points. Aussi bien la placer la plus basse des deux au cas où l"ouvreur serait assis avec une main réévaluée à une vingtaine de points. Car les cuebids, pourraient commencer aussi bas que 3 (ou alors, si ce cuebid n'est pas fait, il fournit également une précision négative intéressante : celui qui passe par-dessus n'a pas l' A !).

ET POURTANT, certaines sommités du bridge ont toujours entretenu des doutes sur la valeur de la loi des levées totales. Et entre autres, l'excellent Mike Lawrence. Après quelques déboires en tournoi sur les mains où il avait appliqué la dite LOI, Lawrence s'enquit auprès d'Eric Kokish, professionnel du bridge bien connu pour ses nombreux contacts bridgéens à travers la planète : non, Lawrence n'était pas le seul à croire à la fragilité de la "LOI", car Kokish lui révèle qu'un professionnel du bridge suédois, Anders Wirgren, partage ses doutes sur la LOI. De ses échanges avec Wigren, Lawrence tire un livre paru en 2004 intitulé I Fought the Law. Ce combat contre la "LOI", il le fonde sur son expérience et ses échanges avec Wirgren, bien sûr, mais surtout sur certains logiciels qui permettent, depuis quelques années, de créer un très grand nombre de simulations en quelques minutes, simulations qui auraient exigé des années de travail acharné sans l'ordinateur. Le constat de cette simulation est incontournable et prouve l'inefficacité de la LOI. à preuve, le tableau suivant. Il est constitué de 400 simulations figurant des fits d'un total de 16 cartes dans les deux mains combinées. Soit les résultats suivants, où le pourcentage correspond au nombre de levées obtenu :

19 levées        0,7 %
18 levées        6 %
17 levées        27 %
16 levées        44,1 %
15 levées        17,1 %
14 levées        4,8 %
13 levées        0,3 %


Il est donc évident que la LOI ne fonctionne que pour moins de la moitié des cas (44,1 %).

Mais un autre problème s'ajoute à son application : plus il y a d'enchères artificielles, plus la paire adverse peut contrer pour indiquer l'entame dans cette couleur. Cela n'exclue pas, d'ailleurs, qu'ils trouvent un fit rentable qu'ils n'auraient pas trouvé autrement. Un exemple récent : j'ouvre à 1. Mon partenaire répond 3 (Bergen, montrant 4 atouts et 10 à 11 points). L'ADD contre pour l'entame. Résultat : cette entame, pratiquement introuvable eu égard à la main de l'entameur, nous fit prendre un zéro sur cette planchette.

Quelle solution apporter à ce problème ? Pour ce qui est du contre d'entame, constatons qu'il n'y a pas de solution miracle, en ce sens que tous les systèmes dignes de ce nom comportent certaines enchères artificielles. Par exemple, le transfert ou la réponse à la demande d'as peuvent toujours subir le contre pour l'entame. Mais il y a du bon sens à chercher à limiter ses échanges risqués. Une des solutions proposées : demander une mineure à saut pour montrer quatre cartes de cette mineure (donc pratiquement pas contrable) et une main contenant de 8 à 11 points avec une fit de quatre cartes. L'ouvreur revient à 3 de la majeure s'il est faible. Avec 16 points et plus, réévalués avec la distribution négative cette fois, l'ouvreur temporise par une enchère "dans l'espace" Par exemple, après 1 - 3, l'ouvreur, intéressé à la manche, temporise par 3 ou 3. Si le répondant n'avait que 8-9, il revient à 3, que le répondant, s'il cherchait un chelem avec une vingtaine de points, pousse à 4. Ainsi, il n'y a pas de danger d'aller trop haut "à l'aveuglette").

Mais que faire avec l'ouverture à 1 et une réponse de 3 ? Il n'y a plus moyen de temporiser, les couleur étant collées ! Il y a quand même un choix entre 3 et 4.

Mais il y a une autre façon tellement plus simple et efficace de régler cet os. Cela consiste pour le répondant avec 4 atouts à demander sa meilleure mineure, présumément quatrième ou mieux, au niveau de 2. Et cela, même si on joue 2/1. En ce sens que c'est une modification sans plus au 2/1. L'ambiguïté est vite dissipée : si la deuxième réponse est dans la majeure au plus bas niveau, il possédait la main avec fit de 4 atouts de 8 à 11 points. Si, au contraire, il demande autre chose en deuxième réponse, c'était bien impératif de manche. Ainsi, vous pouvez avoir le beurre et l'argent du beurre. Si vous avez un fit et une main qui veut explorer en vue du chelem, vous mentionnerez votre fit à votre troisième réponse. Vous avez l'espace suffisant pour explorer décemment en vue du chelem dans la majeure.

En somme, prenez garde aux modes, aussi prenantes pour les vêtements que pour la politique ou le bridge : il n'est pas utile d'adopter une enchère parce qu'un grand manitou du bridge la brillamment exposée. Une erreur "brillante" demeure une erreur !

TEST SUR L'ÉVALUATION DE LAMAIN

Essayez maintenant ce test sur l'évaluation de la main.

 

2. QUELQUES PRINCIPES D'ENCHÈRES

Les personnes qui prennent un cours de bridge manifestent tout le désir "d'avoir une idée des enchères". Évidemment, les chapitres 9 à 13, mais surtout le chapitre 10, fouillent au long et au large cet aspect fondamental du bridge.Il s'agira donc ici de proposer quelques principes généraux pour que l'étudiant du plus beau des jeux puisse profiter d'un cadre qui le situe autant qu'il le sécurise.

 

Principe 1 : Toute réponse d'une nouvelle dénomination (sauf une réponse de 1SA, et pour certains de 2SA aussi) est impérative pour un tour.

principe 2 : Lorsque vous avez un fit avec l'ouvreur, trois cas sont possibles. Avec 6 à 9 points, vous demandez 2 de cette couleur ; avec 10-11 points, vous gagez au niveau de 3 ; avec 12 points et plus, gagez une autre couleur (à la limite une mineure quatrième), puis revenez au niveau de la manche dans la couleur du partenaire).

Principe 3 : Toute réponse au niveau de 1 montre au moins quatre cartes dans cette couleur et au moins 6 points. En effet, une manche, soit 100 points déclarés (voir le chapitre 7, sur la comptabilité des points) nécessite normalement 25 ou 26 points. Comme l'ouvreur peut avoir une vingtaine de points, il serait irresponsable pour le répondant de passer avec 6 points. Symétriquement, si l'ouvreur ne possède que 13 points, la paire se tirera d'affaire au niveau de 1.

Principe 4 : Avec 44 en majeures, le répondant demande d'abord 1. En effet, si l'ouvreur possède quatre coeurs, le fit est trouvé. De même, s'il gage maintenant 1. Cependant, avec 55 en majeures, le répondant commence par nommer ses piques. En effet, quand il reviendra à , l'ouvreur saura qu'il a au moins 5 piques et 4 coeurs. Plus généralement, le bridge, c'est les longues. Plus votre main est distributionnelle, plus vous possédez de la puissance offensive.

Principe 5 : avec au moins un beau 10 points et une mineure de 5 cartes, vous répondez 2 de cette mineure. Le fait de faire une enchère au niveau de 2 dans une autre couleur montre à l'ouvreur que vous possédez plus que 6 à 9 points : vous ne craignez pas de vous aventurer au niveau de 2 dans une nouvelle couleur, qui se révàlera d'ailleurs peut-àtre sans fit.

Principe 6 : Quand vous voulez forcer votre paire à la manche, et que 3 couleurs ont été demandées, ou bien vous demandez 3SA si vous arrétez cette quatriàme couleur, ou bien vous demandez cette couleur. Cela s'appelle "la quatrième couleur forcing". Ça ne peut être évidemment pour jouer puisque votre partenaire vous a montré deux autres couleurs. Normalement, deux raisons justifient l'emploi de la quatriàme couleur. Ou bien vous demandez un arrêt dans cette couleur : vous n'avez qu'un arrêt et cela vous semble mince pour aller à 3SA. Ou bien vous avez une main d'au moins 17 points et vous pensez au chelem.

Principe 7 : Dans tous les cas, si vous estimez que les mains combinées ont une chance raisonnable de faire un chelem, vous pouvez demander son nombre d'as par 4SA (voir Blackwood dans le chapitre 10).

Principe 8 : le déclarant, s'il a une main carrée (4432, 4333, ou une mineure 5' et 332) ouvre 1SA avec 15-17 points. avec 12-14, il ouvre d'une mineure et, s'il n'a pas de fit avec la réponse de son partenaire, il demande 1SA. S'il a 18-19, il demande d'abord une mineure puis gage 2SA (voir Stayman et les transferts Jacoby dans le chapitre 10). Avec 20-21 points, il ouvre à 2SA.

Principe 9 : Le déclarant, s'il constate un fit avec le répondant, demande 2 de cette couleur avec 12-15 ; 3 avec 16-17 ; 4 avec 18-19.

Principe 10 : Le déclarant, avec une absence de fit dans la premiàre réponse du partenaire, demande 2 de sa couleur avec 6 cartes et 12-15 points , saute dans sa couleur d'ouverture avec 16-17 points et 6 cartes dans cette couleur. S'il a 18-19 points, il indique la nécessité d'être à la manche en sautant dans une nouvelle couleur (qui, dans certains cas, pourrait n'être que de 3 cartes).

principe 11 : Il n'y a qu'une enchère forte, c'est 2. Elle implique au moins 22 points. Elle est évidemment forcing par le répondant. Le système de réponses le plus simple et le plus moderne consiste dans une réponse de 2 , à moins que vous possédiez une couleur cinquième contenant deux des trois honneurs majeurs (ARD). Dans ce dernier cas, vous demander la couleur au niveau de 3. L'idée de la réponse de 2 ("en attente"), c'est de faire en sorte que la main forte de l'ouvreur nomme sa longue, ce qui résulte généralement en ce qu'il joue le contrat.

Principe 12 : Les autres 2, soit 2 , 2 et 2 sont des barrages montrant de 6 à 10 points. Le barrage vise à embêter les adversaires dans le déroulement de leurs enchères. Le barrage au niveau de 2 exige 6 cartes dans la couleur, en principe avec 2 des 3 honneurs majeurs ; un barrage au niveau de 3 demande 7 cartes.

Principe 13 : La surenchère est une enchère par les adversaires de la paire qui a fait l'ouverture. Elle suppose une couleur cinquième. Au niveau de 1, elle requiert de 8 à 15 points ; au niveau de 2, l'équivalent d'une main d'ouverture. On peut faire des barrages aussi en surenchères.Dans ce cas, la surenchère est à saut.

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