CHAPITRE 8 L'ÉVALUATION DE LA MAIN
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MODE SIMPLIFIÉ: Si vous trouvez trop ardue l'information fournie sur cette page, vous pouvez vous contenter de l'essentiel en cliquant ici pour accéder au mode simplifié de l'évaluation de la main. Il faudrait cependant revenir à la deuxième partie de ce chapitre, laquelle énonce 12 principes devant nous guider dans les enchères.
Ce huitième chapitre comporte deux volets. D'une part, il porte sur l'évaluation de la main en soi ; d'autre part, il considère des principes de séquences d'enchères appuyés d'exemples appropriés.
1. L'ÉVALUATION EN SOI
Essentiellement, le schéma mental précédant l'enchère est constitué de deux temps :
- Premier temps : Création d'une grille par laquelle j'inscris sur un même chiffrier les divers éléments qui détermineront la valeur de ma main. Il s'agit essentiellement d'une uniformisation mathématique
- Deuxième temps : Détermination d'une enchère adéquate en fonction du résultat de cette uniformisation. Cela sera traité in extenso dans un chapitre ultérieur.Cependant, il m'apparaèt pertinent de donner en deuxième partie de ce chapitre quelques principes de séquences d'enchères. Ce volet fait l'objet de plusieurs questions par les débutants.Premier temps : la grille d'analyse
Cette grille comprend sept pararmètres.
Quatre de ces paramètres sont fondamentaux ; trois sont
complémentaires
Les paramètres fondamentaux sont
les suivants : :
Voici les trois paramètres complémentaires
:
La loi des levées totales (mais...)
Cela dit, j'introduis ici trois précisions, chacune faite par trois experts différents : Kleinman, Woolsey, Bergen. Les nuances qu'ils apportent m'apparaissent nécessaires à une compréhension plus efficace des enchères. La raison en est double. D'une part, le principe passe-partout employé depuis au moins un demi-siècle, s'est avéré quelque peu inexact. Soit : des valeurs de 4,3,2,1 respectivement pour as, roi, dame, valet. D'ailleurs, lorsque, agé d'environ 10 ans, j'ai appris à jouer au bridge chez mes parents, le système encore en vigueur chez plusieurs bridgeurs était celui de Colbertson. Celui comptait 1 point pour 1as et 1/2 point pour un roi.C'est-à-dire que les dames et valets ne constituaient une valeur que collés à un autre honneur. Comme quoi Colbertson avait, pour l'essentiel, compris l'importance de la répartition. . Le système 4-3-2-1, sans référence explicite à la répartition, a donc un peu surévalué dames et valets. Voilà la première raison pour apporter les précisions des trois experts nommés plus haut.
La deuxième raison pour la référence aux dits experts se rapporte effectivement aux deux pararmètres principaux suivants, soit la distribution et la répartition. Ils prennent pour acquis, je crois, le quatrième pararmètre principal, soit la situation. Mais celui-ci n'est pas évident pour les débutants. D'où ma justification pour le décrire. Notons, cependant, l'ordre quelque peu altéré dans la présentation des trois premiers pararmètres principaux. Mais je ne pouvais segmenter les commentaires forcément plus englobants de ces experts. Si bien qu'on retrouvera des analyses relativement semblables reprises à l'occasion de mes commentaires sur la distribution et la répartition.
J'ai pris les précisions suivantes sur internet en décembre 2001. Un nommé Kleinman commence par rappeler la théorie d'un certain Bennion (article paru dans Bridge World, sept. 2001). Celui-ci dit en substance ce qui se trouve à la fin du dernier paragraphe : les as et les rois valent plus que 4 points et 3 points respectivement. Bennion propose : as = 6 1/2 ; roi = 4 1/2 ; dame = 2 1/2 ; valet=1. Bennion spécifie cependant qu'il convient de s'ajouter 1/2 point pour deux honneurs dans une même couleur (ils se renforcent), sauf pour la combinaison DV. Donc, Kleinman rappelle ces énoncés de Bennion ; il estime cependant que Bennion aurait pu être encore plus précis, car il juge que Bennion vise essentiellement les seules mains carrées. Kleinman propose le système suivant d'évaluation des honneurs, système qu'il affirme très près des résultats de Edgar Caplan sur le sujet (tels que Kaplan les a exposés dans Bridge World oct. 81). Soit : A=13 ; R=9 ; D=5 ; V=2.
Ajoutez-vous, continue Kleinman, un point pour tout RDV accompagné
d'un as ou d'un roi. De même, ajoutez-vous un point pour un 10
accompagné d'un 9 ou d'un honneur. Par contre, il faut s'enlever un
point pour toute couleur dont la plus basse carte est plus haute que
le 10. Enlevez-vous également un point pour un honneur non protégé,
soit R, Dx, Vxx. Enfin, enlevez-vous deux points pour une distribution
(4333). Après cela arrive la dernière étape pour produire les "points
de Kleinman" : divisez ce résultat par 3. Essentiellement, donc,
Kleinman tente, avec succès à mon avis, de chiffrer à la fois la
valeur réelle des honneurs et la répartition de la main (voir plus bas
le concept de répartition).
Soit le tableau suivant :
Évaluation des honneurs et de la répartition selon Kleinman |
|
As |
13 |
Roi |
9 |
Dame |
5 |
Valet |
2 |
RDV accompagné d'un as ou roi |
1 |
10 accompagné d'un 9 ou d'un honneur |
1 |
Couleur où les cartes sont plus hautes que le 10 |
-1 |
Honneur non protégé (R, Dx, Vxx) |
-1 |
Main (4333) |
-2 |
|
Divisez cette somme par 3 |
Kit Woolsey, dans le Bridge World de juin 2005, pp.48-49, part de la même préoccupation que Kleinman : il veut aussi corriger l'imprécision du 4-3-2-1. Sa solution m'apparait plus simple. Il conserve en effet un total de 40 points, mais avec les nuances suivantes. Il ajoute un demi-point à l'as et enlève un quart de point chacun à la dame et au valet. Soit 4,5 + 3 + 1,75 + 0,75 = 10. En pratique, l'esprit humain s'accomode mieux de 1/2 et 1/4 que .75 et .50. Woolsey remarque avec humour : "vous n'avez même pas besoin d'en avertir votre partenaire" - bien que ce soit à l'avantage de la paire que vous le fassiez. Car, alors, la qualité des enchères sera améliorée chez les deux joueurs, pas seulement chez vous !
Les Bergen Points
Dans le Bulletin de L'ACBL de janvier 2010, Marty Bergen explique sa conception de la réévaluation à la fois de l'ouvreur, du mort et de l'ouvreur une fois devant le fit. Effectivement, Bergen va dans la même ligne que Kleinman et Woolsey. à savoir que la dame et le valet sont surévalués et l'as ainsi que le 10 sont sous-évalués. De même, il signale le caractère moche de certains doubletons : RD, RV, DV, Rx, D, Vx et des singletons R,D,V. Il attire également l'attention sur les longues quatrièmes et cinquièmes. Mais Bergen, on le lira plus bas, ajoute des précisions assez pointues sur le nombre de points à accorder à chacun de ces éléments. Son calibrage constitue à mon sens un attrait spécifique pour son exposé.Évaluation de la main avant le début des enchères
Étape 1
1. Comptez vos points d'honneurs
2. Soustrayez vos points sous-évalués (as et dix) des points surévalués (D et V). Si la variation est de 2 ou moins, laissez faire. Si la variation est positive de 3 à 5 points pour as et dix, ajoutez un point ; enlevez un point si le différentiel est en faveur de D et V.
1. Enlevez-vous 1 point pour les combinaisons moches : RD,RD,RV, Dx, Vx, D, V
2. Ajoutez-vous 1 point pour une couleur quatrième contenant 3 de ARDVd
3. Ajoutez-vous 1 point pour une couleur
Exemple 1 : AD2 ADd5 Rd97 A7
Soit : 19 points d'honneurs ; avec 5 plus (3 as et 2 dix) et deux moins (2 dames). Soit 5-2=3 : ajoutez-vous 1 point. La main vaut donc maintenant 20 points. Pas d'honneurs doubletons moches, une couleur quatrième avec 3 des 5 tops. Ajoutez un autre point. Donc, avant les enchères, la main vaut 21 points. Ouvrez 2SA.
Exemple 2 : RDV RD75
AV76 RV
Soit : 20 points d'honneurs ; une plus-value (1 as) et 5
moins-value (3 valets et 2 dames). Vous vous enlevez 1 point. La main
vaut maintenant 19 points. Vous vous enlevez 1 autre point pour le
doubleton RV moche à trèfle. Soit une main qui vaut 18 points. N'ouvrez
pas 2SA mais 1K.
Exemple 3 : DV65 R V752 AV73
Soit : 12 points d'honneurs ; une plus value (1 as) et 4 moins-value (3 valets et une dame). Enlevez-vous 1 point. La main vaut maintenant 11 points. Enlevez-vous 1 point de plus pour l'honneur moche (R singleton). La main vaut maintenant 10 points. N'ouvrez pas.
Exemple 4 : AVd96 3 Ad96 A92
Soit : 13 points d'honneurs ; 5 plus-value (3 as
et 2 dix) et une moins-value (1 valet). Ajoutez-vous 1 point. La main
vaut maintenant 14 points. Ajoutez-vous 1 point pour la qualité des
piques et 1 point pour la couleur
Exemple 5 : 74 ARd8 ARd943 6
Soit : 14 points d'honneurs.; 4 plus-value (2 as et 2 dix) et aucune moins-value. Vous vous ajoutez 1 point. Ajoutez-vous 2 points pour chacune des belles couleurs. Soit une main valant 19 points. Vous inverserez à 2Co après votre ouverture à 1K.
Évaluation des courtes du mort
Il s'agit ici d'un accord sur l'atout.
Doubletons : 1 points chacun ; singletons : 2
points chacun, mais 3 points si le mort a 4 atouts. Absences :
4 points par absence. Si vous avez 5 atouts, comptez votre absence pour
5 points.
Exemple 1 : RD AD64 DV4 RD76 (enchères : 1Tr ? P ? 1Co ? P - ??)
Soit : 19 points d'honneurs ; Enlevez 1 point (1 as mais 4 dames et 1 valet) ; enlevez 1 points pour le doubleton moche RD. Pour cette courte, ajoutez-vous un point. Soit une main de 18 points. Gagez en conséquence selon votre système. Entendu que les enchères normales montreraient 18-19 points, mais c'est à la limite du 18. Ne pas croire qu'on a 19 points.
Exemple 2 : 2 Ad61 973 ARV98
Soit : 12 points d'honneurs : ajoutez-vous
1 point pour la couleur de qualité. Ajoutez-vous 1 autre point parce que
vos trèfles sont
Évaluation lorsque votre partenaire appuie votre
couleur
1. Commencez par vos points d'honneurs
2 Ajoutez
2 points pour un singleton, 4 points pour une absence et 1 point pour
deux ou
trois
doubletons.
3. Ajoutez-vous 1 points pour 6 cartes d'atout, 2 points pour 6 cartes,
etc.
4. Ajoutez-vous 1 point pour chaque couleur secondaire de 4 ou 5 cartes.
Exemple 1 : Ad AR7652 3 AVd9
Soit : 16 points d'honneurs ; ajoutez-vous 1
point (5 plus-value, soit 3 as et 2 10, et une moins-value, soit 1
valet). Ajoutez-vous un point pour les beaux trèfles. Ajoutez-vous 2
points pour la couleur
Exemple 2 : RD ARV64 R763 DV
Soit : 19 points d'honneurs. Déduisez
un point (une plus-value et 4 moins-value). Enlevez-vous 2 points pour
les deux doubletons moches. Ajoutez-vous 1 point pour la couleur
|
DÉCLARANT |
RÉPONDANT |
|
fit |
fit |
fit+ |
|
DOUBLETON |
1 |
1 |
1 |
SINGLETON |
2 |
2 |
3 |
ABSENCE |
3 |
4 |
5 |
Comment se fait-il que la courte du déclarant vaille moins que celle du répondant ? Plus encore, sur quoi justifier ces chiffres : La réponse est à la fois désarmante et solide : sur l'expérience. Par tâtonnements, par essais et erreurs, on s'est rendu compte qu'un singleton a toujours en cas de fit à valait un point, un doubleton deux points ou un peu plus, et une absence, entre 3 et 5 points, selon la texture des mains. On en est donc arrivé, au fil des années, aux chiffres du tableau ci-haut. Pour ce qui est de la majoration de la main du répondant, c'est peut-être une affaire de convenance. Le déclarant a déjà annoncé une main d'ouverture, une main objectivement forte, la main du répondant prendra son sens par rapport à cette main, i.e., sa distributionnalité prend une place plus importante : cette main constitue-t-elle un complément intéressant ou non pour la main déclarante ? En somme, c'est à cause de la nature complémentaire de la main répondante que l'importance de la distribution y est légèrement majorée. On notera cependant qu'on ne compte pas un doubleton dans la main s'il est unique; cela fait partie d'une distribution normale.
LA RÉPARTITION
: Supposons la main suivante : AVxxx RDxx Rxx x . En quoi diffère-t-elle
de celle-ci : AVxxx RDxx xxx R ? Même nombre de points d'honneur, même
distribution... La différence réside dans la façon dont un des rois est
réparti. Dans la première, le R est protégé. Si les adversaires
jouent l'A
, cette main jouera petit, valorisant ainsi son roi. Par
contre, dans la deuxième main, l'A
efface d'un coup le roi sec. Trois
points de balayés d'un coup. Si bien que lorsque R,D, ou V sont singletons
( ou, dans une mesure moindre, lorsque la dame, et encore plus le valet,
sont doubletons avec une petite carte), il est opportun de déduire un
point à cause de cette faiblesse de répartition. Dans une telle situation,
on n'ajoute pas en plus les points de distribution !
Dans le même sens, on enlève un point à une main sans as : il n'y a pas de premier arrêt, rien n'est tout à fait à l'abri, en tout cas pas au premier tour. C'est un à tat diffus de faiblesse répartitive. Symétriquement, une main qui a quatre as se voit valorisée d'un point.
Le concept de répartition va plus loin. Considérons ensemble ces quatre mains à même distribution dans chaque couleur, et contenant chacune les mêmes points d'honneur : deux as et deux rois, soit 14 points d'honneur :
MAIN
A ARxxx |
MAIN B ARxxx |
MAIN C ARxxx |
MAIN D Rxxxx |
Je tire ces quatre exemples d'une parution du Bulletin de l'ACBL vers les années 1985. Je ne retrouve plus la référence précise. Si un lecteur la trouvait, je lui saurais gré de me la refiler.
Disons que votre partenaire a une main normale : (4333) avec quatre
dames. Tel que précisé plus haut, on emploie la parenthèse pour englober
une distribution afin d'indiquer que le rang du chiffre ne correspond pas
nécessairement au rang de la couleur : 4333 signifierait spécifiquement
quatre , et trois cartes dans les trois autres couleurs, alors que
(4333) signifie une couleur quatrième indéterminée et trois cartes dans
les trois autres couleurs. De même, 43(42) signifierait qu'on tient quatre
,
trois
et 4-2 dans les mineures.
Avec la main A, vous avez environ 50% des chances de réussir 4. Avec la main B,
les chances de réussir la manche à
sont réduites à environ 30%.
Avec la main C, la manche sera réussie dans approximativement 12% des
donnes identiques (et peut-être moins! Car si AR
sont devant D
, les adversaires auront probablement
une coupe à
). Quant à la main D, elle ne vous procure que quelque 6% des
chances de faire 4
; même le succès d'un contrat de 2
n'est pas assuré.
Et pourtant, non seulement a-t-on la même distribution par couleur et exactement deux as et deux rois sans autre point franc, mais encore aucun roi n'est mal réparti au sens strict où nous l'avons défini. Retenons donc qu'il y a une répartition positive : les honneurs ont plus de valeur dans les longues que dans les courtes. Comme vous avez quelque peu dévalué une main mal répartie, il vous faut majorer une main bien répartie. Plus globalement, cela vaut pour les 26 cartes du partnership : il s'avère plus valable de détenir des honneurs intermédiaires (D,V)dans les longues du partenaire que dans ses courtes ,et des as et rois (dans une moindre mesure les rois) dans ses courtes. Voici quelques exemples.
Votre partenaire ouvre d'1SA (disons que cette main montre un 15-18 balancé). Que répondez-vous avec
1. xx xx xxx ARV10xx
2. Ax Rx Vxx 10xxxxx
Avec la main 1., demandez sans hésiter 3SA, car même devant un minimum (15), vos 23 points valent les 25 points normalement requis pour la manche en SA (vos trèfles produiront vraisemblablement six levées); avec la main 2., invitez à la manche en annonçant 2SA (c'est là la manière standard d'inviter; nous verrons qu'il y a d'autres façons de le faire).
Autre exemple. Si votre partenaire ouvre d'1, vous ne répondrez pas de la même
manière avec
Rxx xxx Axx xxxx qu'avec xxx Rxx Axx xxxx, cette dernière main étant
moins puissante que la première. Car le roi d'atout constitue une valeur
sûre, il est appuyé par les 5 du partenaire. Raffinons: devant
l'ouverture d'1
, Rxx Axx xxx xxxx donne un meilleur rendement que Axx Rxx
xxx xxxx : le R
ne constitue pas une valeur sûre. D'où le principe : IL EST
PRÉFÉRABLE D'AVOIR A ET R (ET SURTOUT A) EN DEHORS DE LA COULEUR DU
PARTENAIRE, ET LES DV DANS SA(SES) COULEUR(S) LORSQUE LE CONTRAT NOUS
APPARTIENT.
Encore ceci :
Partenaire |
Vous |
1 |
1SA |
Vous avez: 1. x xxxx Axxx Dxxx
2. x xxxx Dxxx Axxx
La main 1. est faible. Passez 2, votre partenaire a montré au moins 9
cartes en
et
. Tout indique que la D
ne vaut rien. Par contre, dans la
main 2, la D
est opérationnelle, puisque votre partenaire y a montré une
certaine force : demandez 3
.
Voyez cet autre exemple :
Partenaire |
Vous |
1 |
2SA |
main 1 : Ax RD10x Rxx R109x
main 2 : Rx AV10x DVx A109x
Avec la main 2, demandez le chelem en toute confiance : votre partenaire
a montré six et quatre
, vous prenez soin automatiquement de
deux des trois perdantes possibles dans les deux autres couleurs, et votre
R
est une valeur sûre.
Un aspect corollaire de la répartition consiste dans la concentration des honneurs : ARx xxx vaut mieux que Axx Rxx. C'est comme si j'avais deux as dans cette couleur, donc deux levées sûres, alors que dans l'autre cas, je n'ai qu'une levée et demie.
De même, xxx xxx AR10x RDx est mieux que Rxx Dxx Axxx R10x. On peut penser ouvrir avec la première main alors qu'il faut absolument passer d'ouverture avec la seconde. De même, vous ouvrez 1SA avec Dxx Rxx AVx ARxx ou avec ADx RVx xxx ARxx. Votre partenaire vous invite à la manche en annonçant 2SA. Passez l'invitation avec la première main, et acceptez la manche avec la seconde.
Autre exemple :
Partenaire |
Vous |
1 |
2 |
Vous tenez l. Rxxx xxx RVx xxx
2. Rxxx xxx xxx RVx
Bien que vous ayez un minimum dans les deux cas, n'hésitez pas à demander
4
avec la main 1. Vos honneurs à
sont parfaitement complémentaires de
ceux de votre vis-à-vis, ils sont tous opérationnels. Par contre, la main
2, dans les circonstances présentes, s'avère misérable. Fermez les
enchères à 3
au plus vite.
Appliquons ces notions touchant la répartition aux enchères compétitives, i.e., celles où les deux paires annoncent :
1. Si la couleur n'appartient encore à personne, DV sont offensifs, AR défensifs (défensif : leur laisser le contrat; offensif : il est préférable d'annoncer plus fort qu'eux).
2. Plus vos honneurs sont dans vos couleurs, plus votre main est offensive, et vice-versa.
3. Quand certains de vos honneurs sont dans vos couleurs et d'autres dans leurs couleurs, votre main est offensive dans la mesure où vos DV sont dans vos couleurs et AR dans leurs couleurs; votre main est défensive dans la mesure où vos DV sont dans leurs couleurs et vos AR dans vos couleurs.
4. C'est le partenaire qui est long dans l'atout ennemi qui doit décider si votre partnership doit être offensif ou défensif; inversement, si vous êtes court dans l'atout ennemi, laissez votre partenaire décider de la meilleure action (passer, contrer ou annoncer votre couleur). C'est lui qui peut évaluer la force de ses atouts.
Un exemple plus récent, survenu le 22 mars 2004 au club de Gaétan
Thibault, Place Renaud à Laval. Vous montrez à votre partenaire une main
carrée de 16-17 points. Vous avez ouvert 1 puis, sur une réponse de 1
, vous demandez
maintenant 1SA, qui indique 16-17 balancé (votre ouverture a 1SA étant
12-15). Sa main : DVxx ADVx xx
ADx.
Disons que dans le systéme une deuxième réponse de 4SA est
quantitative (elle demande de passer avec un minimum et d'aller à 6SA avec
un maximum). Que faites-vous ? La question est simple : ou bien votre
deuxième réponse constituera une invitation au chelem par 4SA, ou bien
vous sauterez directement à 6SA.En d'autres mots, que vaut ce 16 points ?
IL EST EXCELLENT, puisque sa répartition est de première classe. TOUS LES
HONNEURS INTERMÉDIAIRES SONT PROTÉGÉS. Il n'y a aucune hésitation, il doit
demander 6SA, point à la ligne. Comparez maintenant cette très belle
répartition avec celle-ci, égale en points d'honneurs et en
distribution. :
Vxxx ADVx
Dx ADx.
On pourrait mème hésiter à inviter au chelem avec une main aussi
poreuse, eu égard à ses 16 points.
Enfin, un aspect différent. Il s'agit de la texture de la main. Les cartes intermédiaires font quelquefois une différence déterminante. J'ai joué la main suivante avec Éric Auger le 3 avril 2006 chez Gaétan Thibault. Je jouais Sud et Éric était en Nord. Nous jouons 2/1 impératif de manche. Éric ouvre les enchères :
AR732 |
1 |
2Tr |
AR842 |
2Co |
4 |
4 |
4SA |
5 |
Dd |
6 |
|
|
|
|
DV4 |
|
|
6 |
|
|
A9732 |
|
|
A5432 |
|
|
Nous chutons de 1. Éic, en entendant mon enchère de 2Tr, se dit avec
raison que ses DdTr prennent de la valeur. Quand je lui annonce 5, il sait que
j'ai les deux as manquants et la dame de pique. Il conclut à un chelem
raisonnable. Voyez-vous le problème ?
La TEXTURE ! Mon enchère de 2
n'est pas adéquate. Elle constitue
donc une mauvaise information à mon partenaire. Si j'avais Ad987, ce
serait déjè mieux. Mais avec As vide cinquième, ma meilleure première
réponse devrait être 1SA impératif, suivi d'une deuxième réponse de 4
.
En d'autres mots, je n'ai pas respecté la texture de ma main. L'écrivain
de bridge Henk Willemsens (voir la bibliographie) a justement écrit un
livre dont le titre, parfaitement fidèle au sujet qu'il traite, est It's
all in the small. Ce sont les petites choses, les nuances
significatives, qui font souvent la différence entre la réalisation du
contrat et sa chute. La texture de la main n'est pas un facteur
négligeable.
LA SITUATION :
Quatrième pararmètre. Supposons que j'aie RVxx à et que mon adversaire de droite
ouvre d'1
. Ma main prend de la valeur, car je suis situé après
lui : s'il joue son as de
, mon roi s'en trouve valorisé; si, par contre,
c'est mon adversaire de gauche qui ouvre d'1
, mon sourire disparait : il chipera
mon roi avec son as, et mon valet avec sa dame. La valeur de ma main
dépend donc de ma situation à la table par rapport à l'enchère adversaire
d'une de mes couleurs. Ce pararmètre ne s'applique donc qu'une fois les
enchères amorcées.
Mais il y a un autre aspect à la situation - et fort important pour évaluer le contrat final : LA COMPLÉMENTARITÉ.
À quel point nos mains combinées se renforcent-elles ? Voici ma main lors d'un match au Mirage sur BBO début juillet 2020 avec Normand Houle.
Rx AVxx xxx Dxxx. Normand ouvre à 1Voilà les quatre pararmètres fondamentaux d'évaluation de la main. Traitons maintenant des pararmètres complémentaires.
PARAMÊTRES COMPLÉMENTAIRES
Perdantes et couvrantes : Premier paramètre complémentaire constitue un critère-parapluie qui couvre l'ensemble des cas sous un autre éclairage et complète l'évaluation Qu'est-ce à dire ? Le nombre de perdantes se définit par le nombre d'honneurs majeurs (A,R,D) qu'il me manque par main. Entendu cependant que Dxx représente trois perdantes (on peut aussi dire deux perdantes et demie), et non deux, si je n'ai pas d'as dans une autre couleur que l'atout. De même, ARV10 ne contient pas de perdante. Par exemple, Axx ADxx Rxx xxx représente huit perdantes, alors que ADx ARV10 xxx xxx représente sept perdantes. Selon ce schème, les mains d'ouverture se divisent de la façon suivante :
- Ouverture minimale :.........6 ou 7 perdantes
- Ouverture intermédiaire :....4 ou 5 perdantes
- Ouverture maximale (et forcing) : trois perdantes (pratiquement
FM
à forcing de manche)
Si bien que la main citée plus haut (Axx ADxx Rxx xxx), malgré ses 13 points, ne représente qu'une ouverture douteuse puisqu'elle comporte 8 perdantes. Il va de soi que ce mode d'évaluation appelle celui de couvrante. Si mon partenaire a tant de perdantes, je peux évaluer ma main en me demandant combien je couvre de ses perdantes. On comprendra enfin que je ne peux appliquer ce paramètre dans le cas d'un misfit. Par exemple, ADxxx x ARxxx xx devant un partenaire tenant xx ARxxx x ADxxx . Soit 5 perdantes dans chaque main. Ou, comptabilisé en termes complémentaires : 5 perdantes devant quatre couvrantes. Douze levées...?! En réalité, il est difficile de concevoir une manche avec ces cartes!
la RÈGLE DE 20. Ce dexième pararmètre complémentaire a été créé par Marty Bergen, expert du bridge bien connu. Dans le doute, additionnez vos points et vos deux plus longues couleurs. Si le total fait 20 ou plus, ouvrez. évidemment, il faut tenir compte de la répartition. Si vous avez une dame singleton ou doubleton, et des honneurs intermédiaires mal répartis, votre main perd de la valeur. De même, une main sans 10 ni 9 est un peu plus faible.
Cependant, Mel Colchamiro propose un complément tout à fait valable à la règle de 20. Il faudrait plutôt, précise Colchamiro, parler de la règle de 22. Nous devons posséder deux levées rapides (deux as ou AR dans la même couleur). Et Colchamiro donne plusieurs exemples pour prouver que la règle de 20, sans cet ajout, est périlleuse.Vers les années 1955, Jean-René Vernes découvre la loi des levées totales. Elle se formule comme suit : Si les deux mains combinées jouaient alternativement leur fit respectif, les levées totales obtenues par le jeu des deux contrats successivement équivalent à l'addition du nombre d'atouts des deux fits.
Par exemple, votre partenaire et vous avez chacun quatre piques, et vos adversaires à cette donne ont un fit 5-4 à coeur. Soit 8 cartes de pique plus 9 cartes de coeur, pour un total de 17 atouts, produiront 8+9 levées si les deux contrats à pique puis à coeur étaient joués successivement. Évidemment, les deux contrats ne sont pas joués successivement dans une vraie partie, mais Vernes veut nous faire comprendre la loi des levées totales.
À partir de 1958, il publie des articles sur le sujet. Ce n'est qu'en 1966 qu'il fait paraitre un livre intégrant la théorie des levées totales à un système dans Bridge moderne de la défense. Mais c'est surtout le professionnel américain Larry Cohen qui donne a cette loi une immense notoriété en écrivant deux livres sur le sujet : To Bid or Not to Bid The Law of Total Tricks (1992] et Following the Law (1994).
Voici un exemple du deuxième livre de Cohen en page 17 :
|
Dd52 |
|
76 |
|
83 |
|
ARV94 |
|
Nord-Sud ont 9 piques et Est-Ouest ont 8 carreaux, pour un total de 17
atouts. Nord-Sud peuvent encaisser 9 levées (ils perdent un coeur, un
carreau et deux trèfles). Est-Ouest peuvent prendre 8 levées (perdant deux
piques, deux coeurs et l'as de carreau). Si on jouait les mains
successivement, Le total des levées serait également de 17. On pourrait
arguer, explique Cohen, que tout cela fonctionne parce que l'impasse à
coeur est perdante. Alors, plaçons le roi de coeur en Ouest, et on arrive
au même résultat. Soit :
|
Dd52 |
|
76 |
|
83 |
|
ARV94 |
|
Maintenant que l'impasse à coeur fonctionne, Nord-Sud peuvent cette fois réaliser 10 levées. Mais justement, Est-Ouest en font une de moins. Soit 10 +7 = 17. Le nombre de levées totales est encore égal au nombre d'atouts totaux.
L'inférence est importante
pour le système d'enchères. Puisque le nombre d'atouts s'avère si
déterminant, il faut donc équiper son système d'enchères pour lui
permettre de révéler le nombre d'atouts du fit ! Ainsi est née la
convention créée par Marty Bergen, un des partenaires de Cohen, et suivie
religieusement par des dizaines de milliers de bridgeurs : sur
l'ouverture de 1 en majeure du partenaire, une réponse artificielle de 3
montre un fit de 4 atouts et 8-9 points (variante : de 6 à 9 points)
; une réponse, également artificielle, de 3
montrerait le même fit de 4 atouts
mais de 10 à 11 points Il suit que le saut dans la majeure est faible.
Soit, pour être complet, en prenant l'exemple du fit à pique après
une ouverture à 1
de votre partenaire (et en supposant que vous jouez 2/1),
les réponses montrant un fit seraient :
1SA |
2 |
1SA
puis 3 |
3 |
3 |
3 |
(s'il y a fit, 4-7 points et 3 atouts) |
8-9 points (constructif) et 3 atouts |
10-11 points et 3 atouts |
Faible avec 4 ou 5 atouts |
8-9 points et 4 atouts |
10-11 points et 4 atouts |
On voit par là la richesse
des inférences d'une telle loi pour préciser la qualité du fit en points
et en nombre d'atouts. Plus précisément, les joueurs de la région de
Montréal (et j'ai vu cette pratique chez bons nombres de joueurs
américains aussi) inversent la signification de 3 et 3
. Cela procure un avantage théorique
minime mais réel. La main limite recèle une possibilité plus forte de
chelem que la main de 8-9 points. Aussi bien la placer la plus basse des
deux au cas où l'ouvreur serait assis avec une main réévaluée à une
vingtaine de points. Car les cuebids, pourraient commencer aussi bas que 3
(ou alors, si ce cuebid n'est pas fait, il fournit également une précision
négative intéressante : celui qui passe par-dessus n'a pas l'A
!).
ET POURTANT, certaines sommités du bridge ont toujours entretenu des doutes sur la valeur de la loi des levées totales. Et entre autres, l'excellent Mike Lawrence. Après quelques déboires en tournoi sur les mains où il avait appliqué la dite LOI, Lawrence s'enquit auprès d'Eric Kokish, professionnel du bridge bien connu pour ses nombreux contacts bridgéens à travers la planéte : non, Lawrence n'était pas le seul à croire à la fragilité de la "LOI", car Kokish lui révèle qu'un professionnel du bridge suédois, Anders Wirgren, partage ses doutes sur la LOI. De ses échanges avec Wigren, Lawrence tire un livre paru en 2004 intitulé I Fought the Law. Ce combat contre la "LOI", il le fonde sur son expérience et ses échanges avec Wirgren, bien sûr, mais surtout sur certains logiciels qui permettent, depuis quelques années, de créer un très grand nombre de simulations en quelques minutes, simulations qui auraient exigé des années de travail acharné sans l'ordinateur. Le constat de cette simulation est incontournable et prouve l'inefficacité de la LOI. à preuve, le tableau suivant. Il est constitué de 400 simulations figurant des fits d'un total de 16 cartes dans les deux mains combinées. Soit les résultats suivants, où le pourcentage correspond au nombre de levées obtenu :
19 levées
0,7 %
18 levées 6 %
17 levées 27 %
16 levées
44,1 %
15 levées 17,1 %
14 levées 4,8 %
13 levées 0,3 %
Il est donc évident que la LOI ne fonctionne que pour moins de la
moitié des cas (44,1 %).
Mais un autre problème
s'ajoute à son application : plus il y a d'enchères artificielles,
plus la paire adverse peut contrer pour indiquer l'entame dans cette
couleur.Cela n'exclue pas, d'ailleurs, qu'ils trouvent un fit rentable
qu'ils n'auraient pas trouvé autrement. Un exemple récent : j'ouvre à
1.
Mon partenaire répond 3
(Bergen, montrant 4 atouts et 10 é 11 points).
L'ADD contre pour l'entame? résultat : cette entame, pratiquement
introuvable eu égard à la main de l'entameur, nous fit prendre un zéro sur
cette planchette.
Quelle solution apporter à
ce problème ? Pour ce qui est du contre d'entame, constatons qu'il n'y a
pas de solution miracle, en ce sens que tous les systèmes dignes de ce nom
comportent certaines enchères artificielles. Par exemple, le transfert ou
la réponse à la demande d'as peuvent toujours subir le contre pour
l'entame. Mais il y a du bon sens à chercher à limiter ses échanges
risqués�. Une des solutions proposées : demander une mineure à saut
pour montrer quatre cartes de cette mineure (donc pratiquement pas
contrable) et une main contenant de 8 à 11 points avec une fit de quatre
cartes. L'ouvreur revient à 3 de la majeure s'il est faible. Avec 16
points et plus, réévalués avec la distribution négative cette fois,
l'ouvreur temporise par une enchère dans l'espace. Par exemple, après 1
- 3
,
l'ouvreur, intéressé à la manche, temporise par 3
ou 3
. Si le répondant n'avait que 8-9, il
revient à 3
, que le répondant, s'il cherchait un chelem avec une
vingtaine de points, pousse à 4
. Ainsi, il n'y a pas de danger
d'aller trop haut "à l'aveuglette").
Mais que faire avec
l'ouverture à 1 et une réponse de 3
? Il n'y a plus moyen de temporiser,
les couleur étant collées ! Il y a quand même un choix entre 3
et 4
.
Mais il y a une autre façon tellement plus simple et efficace de régler cet os. Cela consiste pour le répondant avec 4 atouts à demander sa meilleure mineure, présumément quatrième ou mieux, au niveau de 2. Et cela, même si on joue 2/1. En ce sens que c'est une modification sans plus au 2/1. L'ambiguïté est vite dissipée : si la deuxième réponse est dans la majeure au plus bas niveau, il possédait la main avec fit de 4 atouts de 8 à 11 points. Si, au contraire, il demande autre chose en deuxième réponse, c'était bien impératif de manche. Ainsi, vous pouvez avoir le beurre et l'argent du beurre. Si vous avez un fit et une main qui veut explorer en vue du chelem, vous mentionnerez votre fit à votre troisième réponse. Vous avez l'espace suffisant pour explorer décemment en vue du chelem dans la majeure.
En somme, prenez garde aux modes, aussi prenantes pour les vêtements que pour la politique ou le bridge : il n'est pas utile de porterè une enchère parce qu'un grand manitou du bridge la brillamment exposée. Une erreur brillante ? demeure une erreur !
Essayez maintenant ce test sur l'évaluation de la main.
2. QUELQUES PRINCIPES D'ENCHÈRES
Principe 1 : Toute réponse d'une nouvelle dénomination (sauf une réponse de 1SA, et pour certains de 2SA aussi) est impérative pour un tour.
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