CHAPITRE 2 HISTORIQUE
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Le terme BRIDGE, selon le cas,
dériverait de "Biritch", vieux jeu de cartes russe qui n'est pas sans
ressemblance avec le bridge. Selon d'autres, ce terme originerait du mot
anglais "bridge", pont, parce que ceux qui l'auraient inventé traversaient
un pont pour aller jouer à ce jeu chez des amis. Une variante : Le terme
viendrait bien de l'anglais, mais il s'agirait d'un jeu de cartes pratiqué
par des robineux sous les ponts de Londres !
Quoi qu'il en soit de ses origines ultimes, il est évident que le bridge
constitue une évolution du whist, évolution qui s'est produite vers la fin
du XIXème siècle en Angleterre. Cela s'appelait alors le
whist-bridge. En France, on commence à jouer au "bridge-plafond", où on
distingue les levées déclarées des levées réussies. En Angleterre, un
dénommé Milton Work crée le compte des points d'honneur comme on
le fait aujourd'hui, soit 4 points pour un as, 3 points pour un roi, 2
points pour une dame, et un point pour le valet (Voir plus loin le chapitre sur l'évaluation de
la main. On y montre les nuances à considérer pour cette simplification
qu'est le 4-3-2-1).
Mais c'est en 1925 que le richissime américain Harold S. Vanderbilt
fixe les formes essentielles du bridge actuel : le bridge-contrat.
Excellent organisateur, ses tournois obtiennent un succès remarqué dans le
monde entier. En 1929-1930 débute la grande époque du bridge. En Europe, Albarran
a une influence semblable. Et Charles Goren vint ! En 1939, il
publie son volume intitulé Winning Bridge made easy, un classique.
Il intéresse ainsi des millions de personnes à ce jeu passionnant
(Saviez-vous que Goren a étudié le droit à McGill au début des années 20
?).
Culbertson, cependant, retient plus particulièrement notre
attention. Ely Culbertson (1891-1955) fut considéré comme une autorité de
tout premier plan sur le bridge en Amérique.
Esprit vigoureux et original, il fréquenta, mais pour des sessions plus
courtes, quelques grandes universités (Yale, Cornell, l'école des Sciences
Économiques et Politiques de la Sorbonne, l'université de Genève). Il
parlait couramment le russe, l'anglais, le français, l'allemand,
l'espagnol, le tchèque et l'italien. Il se tirait d'affaire également en
latin, en grec classique, en slavon, en polonais, en suédois, en norvégien
et en danois. Il se faisait un point d'honneur de lire au complet un
bouquin chaque soir pendant au moins une heure avant d'aller au lit.
Il acquit la maitrise de ces langues en passant sa jeunesse dans
plusieurs villes européennes. Il devint agitateur en Espagne et au Mexique
en 1911 et 1912 et participa même à la révolution russe de 1917 ! Sa seule
subsistance en Europe reposa sur son don des cartes, dont le bridge, jeu
naissant à cette époque. Il émigra aux Etats-Unis en 1921, subsista de la
même façon et se maria avec Josephine Murphy Dillon, professeure de bridge
prisée de New-York. La paire devint imbattable.
Culbertson décida de populariser le bridge, malgré la suspicion des
puritains sur les jeux de cartes, lesquels y voyaient une activité vaine
et une oeuvre du diable. Il fonda l'excellente revue Bridge World
en 1929, qui est encore aujourd'hui la meilleure revue de bridge aux
Etats-Unis. Il favorisa l'avènement du bridge contrat, la forme actuelle,
qui supplanta le bridge plafond ("auction bridge"), où l'on obtenait les
points du résultat sans l'avoir annoncé (par exemple, l'enchère de 1 en
majeure suivie de trois passes méritait les points de manche si on
réussissait 10 levées !). Il écrivit aussi plusieurs livres où les leçons
et conseils de bridge, simples, clairs et souvent spectaculaires, plurent
à la population et contribuèrent singulièrement à accroitre la popularité
de ce jeu. Autre stratégie utile à la promotion du bridge, il contribua à
établir un système d'enchères, précurseur du Standard Américain moderne.
De même, il participa à la fondation de l'ancètre de l'ACBL, la United
States Bridge Association.
De même encore, la mise sur pied, grâce surtout à Culbertson, d'un
tournoi international de Bridge, le World Olympics of Bridge, et
aussi le American Bridge Olympics, donna au bridge de l'audience
et de la respectabilité. Enfin, dernier joyau à sa couronne, il fonda une
association de professeurs de bridge, Culbertson National Studios,
qui, à son apogée, comptait 6000 enseignants.
C'est donc en bonne partie grâce à Culberston que le bridge est devenu
en Amérique une activité populaire qui attire toutes les couches de la
société, contrairement à l'Europe, où le bridge est demeuré une activité à
connotation bourgeoise.
Le génie est proche de la folie. L'homme était fantasque, voire
extravagant. Il entra un jour dans un magasin de New-York (Sulkas, sur la
5' avenue) et acheta pour 5000 $ de chemises ! Qu'on imagine ce que ce
serait aux prix d'aujourd'hui... De même, sa maison de Ridgefield,au
Connecticut,comptait 45 chambres et plusieurs kilomètres de routes pavées
avec réverbères ! Il acheta une automobile chic du temps, une
Duesenberg... et donna sa Rolls Royce ! Bien sûr, il fumait des
cigares qui lui coutaient 7 $ par jour et il allait en Italie acheter ses
cravates... ! Ces comportements pour le moins marginaux, sans lui enlever
le prestige que son génie commandait, furent vraisemblablement la cause du
fait que le monde du bridge opta plutôt pour un groupe d'experts lorsqu'il
fut question d'établir un système standard. On ne voulait pas confier au
seul Culbertson, génial mais plutôt excentrique, la conception d'un
système pour des intelligences plus près du bon sens.
Un souvenir d'enfance. J'avais 10 ans. Mes parents avaient entrepris de
me montrer à jouer au bridge. Nous jouions "Culbertson" - comme tout le
monde de l'immédiat après-guerre. Nous nous référions au classique Culbertson's
Contract Bridge for Everyone : un as valait 1 point ; un roi, 1demi
point. On ouvrait avec 2½ points. La majeure quatrième, évidemment. De
beaux souvenirs du bridge en famille.
Après beaucoup d'efforts, l'ACBL
(American Contract Bridge League) est fondée et assimile les sociétés de
bridge américaines de quelque importance. L'ACBL adopte le système de
Charles Goren sous le nom de "Standard American". Elle est officiellement
accréditée par la Fédération mondiale de Bridge comme étant la section qui
représente L'Amérique du Nord (soit les États-Unis, le Mexique et le
Canada), les trois autres grandes divisions étant celles de l'Europe, de
l'Amérique du Sud et de l'Extrême-Orient. L'ACBL compte environ 250,000
membres actifs. Or, pour un membre actif de l'ACBL, on peut compter des
dizaines de joueurs de bridge. Et la popularité de ce jeu ne cesse de
croitre.
Pourtant, au Québec, nous commençons à peine à saisir la valeur du
bridge pour la croissance d'un individu et d'une société. Nous ne pouvons
nous payer le luxe d'ignorer un instrument de croissance de cette qualité.
Les Anglais ont compris cela. Les Juifs aussi. Et les Américains. Les
Écossais. Les Français. Les Danois. Les Formosans. Les Indonésiens. Les
Indiens. Les Norvégiens. Les Suédois. Les Italiens. Les Arabes, Omar
Shariff en tête. Les Belges. Les Hollandais. Récemment les Allemands. Les
Suisses. Et tel qu'indiqué au chapitre suivant, la République Populaire de
Chine Soi-même ! Sans oublier les Polonais. Les Australiens. Les
Sud-Américains... La pratique du bridge développe, à bon compte, dans
l'échange continuel et l'agrément, des qualités humaines fondamentales,
tant intellectuelles qu'affectives et morales.
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